ACTA Gironde – Antispécisme, Véganisme et Droits des Animaux

L’expérimentation animale en France – Quelques exemples récents…

Face aux critiques sur l’expérimentation animale, on entend souvent, comme pour beaucoup de formes d’exploitation des animaux, que la France a une réglementation particulièrement dure en la matière. Il est ainsi souvent dit que les animaux sont bien traités, qu’on en réduit le nombre et qu’on raffine les expériences pour qu’elles soient le moins douloureuses et les moins stressantes possibles pour les animaux. On laisse entendre que les expériences et les images des années 1970 sont bien loin derrière nous, et que les expériences menées aujourd’hui sont absolument nécessaires. Quelques exemples de publications très récentes d’équipes françaises, ou impliquant des équipes françaises, voire bordelaises, pourront aider à reconsidérer ces affirmations.

Études sur la maladie de Parkinson

À l’international, une équipe japonaise a testé des cellules souches iPS sur des macaques conçus comme modèles pour la maladie de Parkinson (Kikuchi et al. 2017). L’article parle de singes « traité·es au MPTP », le détail étant donné en fin d’article : sur 38 singes fournis par le SNBL (Nouveau Laboratoire Biomédical du Japon), l’équipe en a retenu 11, auxquels elle a administré la neurotoxine MPTP, « deux fois par semaine jusqu’à observer des symptômes parkinsoniens persistants, tels que des tremblements, une bradykinésie [lenteur et rigidité musculaire] et un équilibre instable. Ces symptômes parkinsoniens ont été observés pendant 12 semaines avant qu’un animal soit utilisé pour les expériences ». Les singes ont ensuite été observé·es (notamment en vidéo, sous IRM et via TEP) pendant 8 à 24 mois, avant d’être euthanasié·es. À l’été 2018, l’équipe a lancé un essai sur des patients humains, dont nous n’avons fin 2019 pas plus de nouvelles.

Qu’en est-il en France ?

L’Université de Grenoble, en collaboration avec l’Université de Sydney et avec le soutien de France Parkinson à hauteur de 120.000€, a également étudié des animaux rendus parkinsoniens par injection de MPTP (147 souris dans Reinhart et al. 2016 ; 22 macaques adultes dans El Massri et al. 2016). L’idée était de confirmer que l’exposition à une lumière infrarouge serait un facteur de protection neurologique et comportementale. Il semblerait que ce soit le cas.

Un autre projet, émanant de Sorbonne Universités et soutenu à hauteur de 25.000€ par France Parkinson (Belaid et al. 2014) a utilisé 4 macaques mâles pour montrer qu’un traitement à base de mélatonine pourrait aider à gérer les troubles du sommeil chez les patients parkinsoniens. Pour étudier le sommeil des macaques, on leur a implanté un équipement de transmission de mesures électroencéphalographique (vissé sur le crâne), électrooculographique (fixé sur les os des sourcils) et électromyographique (suturé sur les muscles du cou). L’introduction de l’article mentionne que l’effet positif du traitement à base de mélatonine avait déjà été confirmé chez les patients parkinsoniens humains.

Études sur la séparation maternelle
et le stress précoce

On pourrait imaginer que les expériences de séparation maternelle sont une chose du passé, à l’instar de Harry Harlow, qui séparait des années 1950 à la fin des années 1970 des bébés macaques de leur mère : il les isolait dans des boites pour voir quels genres de comportement déviants ils développeraient et s’ils s’attacheraient à un bout de tissu ou à une sorte de treillis métallique qui tenait un biberon (voir Bogle 2017 pour une description extensive de ces expériences).

Mais il n’en est rien. Récemment, une équipe française partagée entre les Universités de Bordeaux, Toulouse et Nantes (Rincel et al. 2019a) a étudié 180 bébés rat·es pour vérifier si la restauration médicamenteuse de la flore intestinale altérée par la séparation maternelle (3 heures par jour pendant 14 jours) aurait un effet sur les problèmes de comportements développés par les bébés séparés de leurs mères. Pour avoir un point de comparaison fixe, les portées étaient normalisées pour n’y garder que 5 femelles et 4 mâles. Les autres bébés rat·es étaient tué·es, et ne sont pas pris en compte dans les 180 rat·es étudié·es. L’étude est fière de conclure que la tentative est fructueuse, et que « le traitement de la barrière intestinale peut atténuer certains des effets à long terme du stress précoce ». La mention du « sacrifice » pour collecter les échantillons fécaux à l’âge adulte suggère que tou·te·s les rat·es ont été tué·es à la fin de l’expérience, comme c’est majoritairement le cas dans ce milieu.

Une autre étude de cette équipe (Rincel et al. 2019b) a acheté 30 souris gestantes pour étudier l’effet combiné de l’activation du système immunitaire des mères gestantes par une injection de LPS, de la séparation maternelle (3 heures par jours pendant 14 jours) et de l’exposition des mères à des facteurs de stress pendant la séparation (pas de litière, litière mouillée, vieille litière de rat, ou cage penchée à 45°). À six mois, toutes les souris ont été tuées pour récupérer leur cerveau après avoir collecté des échantillons fécaux. Une des conclusions de l’étude est que l’impact négatif de ces pratiques sur les interactions sociales et le stress est plus prononcé chez les femelles que chez les mâles.

Études sur l'addiction

Dans une étude financée notamment par le CNRS, l’Université de Bordeaux et la Région Aquitaine, une équipe bordelaise (Girardeau et al. 2019) a rendu 171 rats mâles dépendants à la cocaïne en leur apprenant à s’auto-administrer des doses de cocaïne 3 heures chaque jour pendant un à deux mois, avant de tester différents types de conditionnements pour tenter d’enrayer la dépendance (phase d’extinction), puis de proposer à nouveau l’auto-administration pour évaluer les rechutes. Conclusion : « dans toutes les expériences conduites pour cette étude, une fois que les rats se rendaient compte que la cocaïne leur était à nouveau disponible après la phase d’extinction, ils retrouvaient immédiatement un comportement d’auto-administration identique à celui qu’ils avaient avant l’extinction, comme si elle n’avait pas eu lieu ». Pour étudier les corrélats neuronaux de cette absence de changement de comportement, l’équipe a tué au moins une partie des rats pour prélever leur cerveau afin de l’analyser.

Dans une autre étude de l’Université de Bordeaux (Garcia-Rivas et al. 2019), un procédé similaire est appliqué à 128 rats mâles, pour les rendre dépendants à la nicotine avant de tenter de les y déshabituer pour tester l’effet de la Varénicline sur le sevrage en fonction de différents types comportementaux des rats vis-à-vis de l’auto-administration de nicotine dans différents contextes environnementaux. L’équipe conclut que la Varénicline pourrait être plus efficace pour certains fumeurs que pour d’autres.

Dans ces deux études, les rats étaient seuls dans des boites pendant la durée des expériences. Les études ne mentionnent pas ce qui est advenu des rats qui n’auraient pas été tués dans le cadre des expériences.

Études sur la douleur

(attention, images explicites)

L’Université de Bordeaux mène également des expériences de recherche sur la douleur, notamment en recherche fondamentale (c’est-à-dire n’ayant pas d’application clinique évidente mais plutôt un intérêt pour comprendre certains mécanismes de base). On trouve par exemple une étude (Aby et al. 2019) dans laquelle l’équipe, après avoir équipé 48 rat·es pour mesurer les contractions de certains muscles, a testé différentes fréquences et intensités de chocs électriques (jusqu’à 80V, d’une fois toutes les 10 secondes à une fois par seconde) afin d’étudier le réflexe de flexion lors de l’accumulation de stimulations douloureuses. À la fin de l’étude, les rat·es ont été tué·es « par overdose d’anesthésiant ».

Une doctorante en co-direction entre l’Université Cadi Ayyad de Marrakech et l’Université de Bordeaux (Bouchatta 2018) a injectée de la neurotoxine 6-OHDA à 100 souris âgées de 5 jours, pour en faire des modèles de TDAH (troubles de l’attention avec hyperactivité). « Après l’injection, 20% des souris lésées meurent avant le sevrage, alors que 60-80% développent une hyperactivité avec 50 à 70% de déplétion dopaminergique ». Après quoi, les souris étaient exposées à des tests sociaux et comportementaux pour vérifier qu’elles pouvaient être considérées comme des modèles de TDAH (hyperactivité, comportement anxieux et antisocial, impulsivité, etc.), puis on leur injectait du méthylphénidate, typiquement utilisé pour le traitement des TDAH. Après les tests, les souris ont été tuées pour récupérer leur cerveau, pour confirmer qu’elles étaient de bons modèles. 40 souris mâles supplémentaires ont alors été injectées pour étudier d’autres aspects comportementaux avant d’être tuées.

120 nouvelles souris ont ensuite été utilisées pour étudier l’hypersensibilité à la douleur dans le cadre du TDAH avec des tests de seuils de douleur (en leur imposant des pressions croissantes sur la patte arrière ou une température élevée sous les pattes). Après injection de méthylphénidate et d’un anesthésiant, l’activité individuelle des neurones nocicepteurs des souris était étudiée, comme représenté sur l’illustration. Cela impliquait à nouveau d’imposer des stimuli douloureux aux souris, pour distinguer les neurones individuellement impliqués dans le traitement de la douleur. D’autres expériences de ce type sont décrites, avec de nouveaux « lots » de souris, au fil de la thèse. Toutes ces souris ont été tuées à la fin des expériences.

En guise de conclusion provisoire...

Ces expériences sont récentes, elles se passent près de chez nous, les personnes qui les pratiquent en défendent l’intérêt médical et/ou scientifique. Difficile pourtant de se dire que la vie de ces souris, de ces singes, et des autres animaux utilisés dans les laboratoires auraient tellement peu de valeur que l’on pourrait se permettre de les faire souffrir et de les tuer dans l’espoir d’une possibilité, d’une éventualité, d’améliorer la qualité de vie d’humain·es.

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